révolutionner l'apiculture

Les ruches connectées vont-elles révolutionner l’apiculture ?

Les hommes se sont très tôt intéressés aux abeilles et encore plus à leur miel. Durant l’époque néolithique et dans un environnement globalement hostile à l’être humain, les nids d’abeilles étaient des concentrés de nutriments, des dons de la nature qu’il convenait de consommer sans modération. Ainsi pendant des milliers d’années, les Hommes ont recherché les colonies d’abeille pour récolter du “miel sauvage”. Puis il y a 4000 ans, ils ont appris à construire les premières ruches, comme l’atteste des bas reliefs trouvés dans des temples égyptiens.

Au 18ème siècle, les premières ruches modernes ont été inventées, afin de produire suffisamment de miel et de cire sans devoir détruire les colonies durant la récolte De nos jours, les apiculteurs utilisent encore ces mêmes ruches, mais les progrès se poursuivent. L’électronique, l’informatique et l’IoT font leur intrusion dans les ruchers. L’apiculture de précision est arrivée. S’agit-il d’une mode ou d’une révolution ? Prenons le temps d’en discuter.

Quelques rappels sur l’abeille et sa biologie

Pour bien comprendre tout l’intérêt de l’apiculture de précision, il est important de rappeler des points importants au sujet de l’abeille et de sa biologie. Tout d’abord, l’abeille mellifère (Apis mellifera) est un insecte qui vit en colonie de plusieurs milliers d’individus. Dans chaque colonie, une seule femelle est capable de pondre : la reine. Les autres abeilles sont des ouvrières stériles ou des mâles que l’on nomme faux-bourdons. Cette communauté d’insectes interagit très efficacement, grâce à des systèmes de communication chimique et une répartition précise des tâches en fonction de l’âge des insectes et des besoins du moment : nettoyage du nid, soins du couvain (terme qui désigne toutes les larves d’abeilles), protection de la colonie contre les intrus, récolte du nectar et du pollen,… L’ensemble des individus semblent être les composants d’un seul et même super-organisme. Les colonies se multiplient naturellement grâce à un phénomène que l’on appelle l’essaimage. Celui-ci à lieu au printemps et parfois en été. Durant l’essaimage, l’ancienne reine et une partie des ouvrières quittent le nid pour aller fonder une nouvelle colonie parfois à plusieurs kilomètres de distance. Alors que les ouvrières qui sont restées dans le nid attendent l’émergence d’une nouvelle reine. L’activité d’une colonie d’abeille est donc centrée sur la préparation de l’essaimage et sur la constitution de réserves de miel en vu de passer l’hiver. Dans de bonnes conditions, les abeilles peuvent occuper le même site – comme une cavité dans un tronc d’arbre – pendant plusieurs années. Pour les élever, les apiculteurs offrent des ruches aux essaims qu’ils récupèrent.

Qu’est ce que l’apiculture de précision ?

L’apiculture de précision consiste à suivre les colonies individuellement et en continue au moyen d’outils technologiques. Son but est de minimiser la consommation des ressources de l’apiculteur – son argent et son temps – pour maximiser les rendements. Au delà de cette vision industrielle, elle permet de collecter des données, puis de les analyser pour permettre si nécessaire une action rapide et adaptée de l’apiculteur. D’abord employée par les scientifiques, pour réaliser des observations biologiques, l’apiculture de précision se démocratise depuis quelques années. Des apiculteurs amateurs, mais aussi des professionnels ont adopté ces outils technologiques.

Quelles sont les problèmes rencontrés par les abeilles et les apiculteurs ?

Depuis quelques dizaines d’années, les conditions de vie se sont dégradées pour les abeilles. L’être humain en est à l’origine : urbanisation et agriculture modifiant le paysage et la flore, introduction de parasites et de prédateurs “exotiques”, réchauffement climatique,… La survie des abeilles sauvages, mais aussi le maintien des colonies domestiquées est rendu aléatoire. Dans certaines régions de France, la mortalité hivernale atteint plus de 30% des colonies par an. Alors que par le passé, elle n’était que rarement supérieure à 5%. De nos jours, il est nécessaire d’intervenir pour maintenir des populations d’abeilles en bonne santé. Sans quoi l’abeille mellifère pourrait devenir très rare, voire disparaître de nombreuses régions du monde. L’impact pour l’environnement serait important, car de nombreuses espèces végétales dépendent des pollinisateurs pour se reproduire. Bien évidemment l’apiculture que l’on connaît ne serait plus possible et le miel deviendrait un produit de luxe.

L’apiculteur professionnel recherche la performance

Face à ces changements, l’apiculture est devenue un métier qui demande de nombreuses compétences. L’apiculteur doit réaliser des observations précisent pour évaluer l’état de santé de son cheptel. Il doit traiter ses colonies lorsqu’elles sont affaiblies ou malades. L’apiculteur professionnel doit également gérer son entreprise et faire des choix pour la maintenir rentable. Les apiculteurs professionnels sont donc pour la plupart favorables à l’utilisation des technologies qui pourraient les aider à mieux mener leurs activités. Ils ont en effet besoin de surveiller de plus en plus de ruches. Et ils n’ont pas le droit à l’erreur. Car s’ils ne produisent pas suffisamment de miel, leur entreprise peut disparaître.

L’apiculteur amateur souhaite mieux connaître ses abeilles

L’apiculture de loisir connaît depuis le début des années 2000 un regain d’intérêt. Et de plus en plus de personnes installent quelques ruches dans leur jardin et parfois même sur le toit de leur immeuble ou sur un balcon. Saviez-vous que Paris compte pas moins de 2000 ruches déclarées ? Les apiculteurs amateurs se passionnent pour leurs abeilles et sont très attentifs au développement de leurs colonies. L’implantation de capteurs dans leurs ruches et le traitement des données par informatique permettent de mieux comprendre les cycles de la vie d’une colonie. Il est alors possible de réaliser de nouvelles observations passionnantes. Comme pour les apiculteurs professionnels, les amateurs peuvent aussi partager leurs données sur un réseau collaboratif international tel que beecounted (https://www.beecounted.org/). On contribue alors au progrès scientifique tout en s’amusant. Illustration : fichier joint. Légende : Les données collectées sont transmises par 4G jusqu’à un ordinateur, puis les informations sont interprétées par l’apiculteur.

Quelles sont les solutions apportées par les ruches connectées ?

Actuellement, de nombreux capteurs sont développés par des entreprises spécialisées. On trouve parmi ces outils des :

● balances connectées,
● hygromètres,
● thermomètres,
● compteurs d’entrées et de sorties des butineuses,
● microphones et capteurs de vibrations,
● GPS et systèmes antivol.

Voici les principales observations effectuées par les utilisateurs de ruches connectées.

Suivre la dynamique des colonies

Le nombre des individus au sein d’une colonie varie tout au long de l’année. Il est minimal au coeur de l’hiver, lorsqu’on compte entre 6 000 et 10 000 abeilles. Puis il augmente fortement durant le printemps, pour atteindre 50 000 à 80 000 individus au début de l’été. Une abeille pesant un dixième de gramme, il est possible en suivant les variations du poids d’une ruche et de détecter le départ d’une partie de la colonie durant un essaimage. L’apiculteur devra alors se rendre sur place pour avoir une chance de récupérer l’essaim, avant que celui-ci quitte les lieux. La détection des vibrations donne de bonnes indications sur la quantité d’oeufs pondus par la reine et le développement du couvain. Plus les larves sont nombreuses, plus les vibrations sont importantes. Au printemps, il est souhaitable que le couvain soit très important. Mais en hiver, il est commun qu’il soit réduit ou inexistant. L’interprétation se fait toujours au regard de la dynamique naturelle des colonies. Enfin, un détecteur placé sur le trou d’envol permet de compter le nombre des abeilles qui sortent et celui des abeilles qui rentrent à la ruche. Une forte activité est signe d’une collecte de ressources alimentaires. L’augmentation du poids de la ruche permet de la confirmer. Dans le cas contraire, il faudra se poser la question sur la quantité de plantes mellifères sur l’aire de butinage.

Surveiller le début des miellées

Beaucoup d’apiculteurs pratiquent la transhumance de tout ou partie de leur cheptel. Ceci afin de profiter des diverses floraisons sur un même territoire. Les ruches peuvent alors parcourir des centaines de kilomètres et le travail est alors important. Les apiculteurs de provence passent aussi des acacias aux châtaigniers, puis aux lavandes, avant de rejoindre les garrigues riches en romarin. Les abeilles rendues nomades vont produire divers types de miel. Des ruches sentinelles sur lesquelles des balances sont installées et garder fixe à l’année, peuvent prévenir les apiculteurs lorsque du nectar est rentré en quantité par les butineuses. La collecte des données en direct peut les aider à choisir le meilleur moment pour transporter leurs ruches. Inversement, ces mesures peuvent aussi prévenir l’apiculteur de la fin d’une période fast. Il sera alors temps de déplacer de nouveaux les ruches vers des zones aux floraisons plus nombreuses. L’apiculteur aura moins d’aller et retour à effectuer. Et si son rucher est équipé d’une caméra, il pourra aussi surveiller à distance que toutes ces ruches sont bien en place. Ces manipulations stressent les abeilles et peuvent provoquer leur affaiblissement.

Détecter les problèmes sanitaires dans un rucher

Les abeilles sont touchées par plusieurs espèces de parasites et d’agents pathogènes dont certains peuvent détruire une colonie si aucun traitement n’est mis en place. L’un des parasites les plus graves est un acarien nommé varroa. Lorsqu’une colonie subit une forte infestation, l’humidité au sein de la ruche n’est plus régulée. L’hygromètre permet alors de transmettre cette information et l’apiculteur pourra effectuer une visite sanitaire. La température interne d’une ruche fait l’objet d’une régulation constante, notamment au niveau du couvain. Les larves ont besoin d’une température proche de 35 °C pour se développer correctement. Lorsqu’il fait trop chaud les abeilles ventilent et lorsqu’il fait trop froid elles réchauffent l’air de l’intérieur de la ruche. Les colonies qui souffrent d’une maladie ont plus de difficultés à maintenir cette température stable. Les trop fortes variations sont alors un signal pour que l’apiculteur effectue une inspection.

Prévenir les famines durant l’hiver

Le suivi du poids des ruches permet aussi d’évaluer l’état des réserves en miel en fin de saison. La balance connectée est encore utile pour se rendre compte de la situation d’une ruche. Si le poids de la ruche est trop faible et pour ne pas que la colonie meurt de faim, l’apiculteur pourra prévoir un apport de nourriture sous la forme de sucre. Ainsi équipé, Il n’aura plus à soupeser ou à ouvrir ses ruches pour vérifier les quantités de miel stockées dans les rayons. Ces inspections hivernales sont en effet une source de stress important pour les abeilles.

Lutter contre le vol des ruches

Chaque année, des apiculteurs sont victimes de vols. Et des centaines de ruches “disparaissent dans la nature”. La pose de boitier GPS dans chaque ruche permet de localiser celle-ci et de prévenir la police sur leur nouvelle position. Cette application est l’une des plus utilisées par les apiculteurs qui ont choisi de connecter leurs ruches.

Comment débuter en apiculture de précision ?

Pour débuter en apiculture de précision, il est souhaitable d’avoir une expérience minimale avec l’élevage des abeilles. Si vous êtes totalement néophyte, nous vous conseillons d’apprendre les bases de l’apiculture au sein d’un rucher école. Une formation à distance permet aussi d’acquérir des connaissances sur la biologie des abeilles. Il s’agit d’un bon complément à une formation pratique. La formation d’IDLWT fait intervenir des experts dont certains abordent l’apiculture de précision durant les visioconférences. Pour en savoir davantage, rendez-vous sur le site internet de la formation : https://apiculture.idlwt.com L’apiculture de précision peut être implémentée dès la première ruche installée. Les principaux paramètres – pour suivre l’état de santé et les performances de vos abeilles – sont la température interne de votre ruche et le poids de celle-ci. L’interprétation des données est d’autant plus facile si vous équipez deux ou trois ruches. Vous pouvez aussi faire des comparaisons et apprendre plus rapidement.

Enfin, nous vous conseillons d’acquérir du matériel et une solution logicielle, auprès d’une entreprise qui sera capable de vous renseigner et de vous accompagner. Cette aide extérieure est nécessaire pour bien débuter et atteindre l’autonomie. Comme en apiculture conventionnelle, la pratique de l’apiculture de précision est facilité si l’on profite d’un réseau d’apiculteurs expérimentés autour de soi. Nous espérons que cet article aura fait naître en vous une nouvelle passion. Où tout au moins un nouveau regard sur la pratique de l’apiculture. Nous vous remercions pour votre lecture. À bientôt.